Nicolaschartoire.com > Une télévision en septembre

Une télévision en septembre



Je ne suis pas juriste mais j'ai, en pratique de l'information, eu de bons enseignants et j'ai encore un peu cette discipline comme hobby.

Hier je suis passé devant une télévision allumée, et j'ai vu cette sorte d'émission de divertissement de midi qu'a fini par devenir notre "journal télévisé".

Principale nouvelle du monde, en premier :

Il fait un temps automnal à l'approche de l'automne ! Alors des gens sur les places publiques et les trottoirs de Toulouse disent qu'ils s'habillent comme en Suède (Voir note 1), car il fait 17°, mais sont contents, au moins, que le chien ait moins chaud, et dans la banlieue pavillonnaire huppée de Lyon, sur le marché il fait 12°C, alors la madame a mis son châle, et l'étalagiste met en vente des potimarrons parce que le temps gris c'est impec' pour une bonne soupe, braves gens.

Ok, mais quelle est alors la plus importante deuxième nouvelle du monde ?

Une vidéo (par ailleurs totalement en infraction au droit à l'image qui interdit même visage flouté les vidéos des gens sur leur lieu de travail car ils peuvent être très facilement identifiés, jurisprudence du TGI Paris, 13 mars 1991, Juris Data n° 1991-045872), d'une l'institutrice qui gifle dans le dos une enfant de sa classe.

Vidéo qui était arrivée dans Facebook un peu plus tôt dans la nuit via Instagram avec ce "super" appel à faire soi-même justice en légende "tu touches à mon gosse je te casse en deux".

Voilà les choses les plus primordiales à servir aux cerveaux en besoin d'info sur l'état du monde dans lequel nous avons tous à vivre.

Mais aussi, j'ai pu avoir les chaînes "en continu" rapidement.

D'abord le bandeau défilant a annoncé en petit que l'homme qui a mortellement percuté une fillette en faisant une acrobatie en moto était maintenu sous contrôle judiciaire. Je crois me souvenir qu'ils ont écrit "placé" au lieu de maintenu, car c'est seulement là, le jour suivant, en cherchant bien, que je vois que c'était en fait un rejet de l'appel pour la levée de ce contrôle, contrôle qui était déjà effectif. Il ne me semble pas que le bandeau défilant fournissait une vérité complète. Je peux me souvenir mal - je suppose cependant que je me souviens bien.

Mais l'important est que très vite en bas de l'écran est venu une mention en grand, non défilante, bien plus visible, de panneau statique : "fillette renversée : le chauffard toujours libre".

Pour mémoire un contrôle judiciaire est réellement à rapprocher d'une peine de bracelet électronique, avec notablement parmi les différences le fait que l'on est pas équipé du mouchard technologique

(Peine du bracelet, qui elle, est surtout là pour laisser au puni une possibilité d'éviter une désinsertion, via des heures de sortie pour avoir une activité professionnelle. Ce qui me semble, à moi, relativement justifiable, simplement par pure logique et je sais que bien des gens ne seront pas d'accord avec cette parenthèse : tout simplement, une personne ayant des antécédents de démêlés avec la justice aura moins de risque d'à nouveau se montrer en délicatesse avec la loi si elle n'est pas ensuite sans ressource et aux abois faute d'avoir de quoi manger).

Si vous vous demandez ce qu'implique dans la réalité, non pas la peine de bracelet, mais le vrai et simple contrôle judiciaire -qui peut être, notamment, une façon de terminer une peine avec cet aménagement "pour bonne conduite", ou, d'en pour ainsi dire commencer une, mais sans être pour de bon en préventive en attendant l'instruction- je vous invite à regarder la minuscule, extrêmement laxiste liste des 21 obligations prévues légalement dans le dispositif :

Controle judiciaire en droit français; section obligations sur Wikipédia Francophone

Mesures qui peuvent inclure interdiction de conduire un véhicule, assignation à résidence, voire restriction des déplacements à certains lieux préétablis, confiscation des pièces d'identité et passeport, il faudrait toutes les dire ; il y en a à peine 21

Mais pour la TV, cette mesure préalable au procès du prévenu est devenue "le chauffard encore libre".

Car "libre" et "ne plus avoir le droit de sortir" sont des synonymes ? Évidemment non. Mais échauffer les esprits avec des choses qui les mettront en colère noire, par contre, est un bon moyen de conserver le pouvoir addictif d'un media et par conséquent de garder l'audience captive. Ce qui rapporte ; et tout ceci se justifie par cela ; de l'argent.

En bref, moins je regarde la TV, plus chaque fois que je la regarde je suis abasourdi par comment elle s'est dégradée dans le sens de la manipulation de l'esprit
toujours de plus en plus vite.


Note 1 : j'ai écrit "disent" mais il faudrait écrire "on leur fait dire". Par exemple cette histoire de Suède : on déduit très facilement qu'on a fait témoigner longuement la personne pour en extraire le croustillant, le "choc". Tout dans sa formulation et son intonation laisse entendre que cette personne fait référence au fait qu'elle y a séjourné et doit ressortir un quelconque vêtement qu'elle portait là-bas et qui convient par 17°C.


Publication originale : 12 septembre 2024 05h29 UTC+2