Nicolas Chartoire - They Called Me Commando Service national au 35ème RI : Mes exploits militaires (ce titre est ironique) Avertissement de l'auteur : cette nouvelle, dont le sujet est mon service national au 35ème régiment d'infanterie, a été rédigée dans un état de nerf effroyable et l'on peut deviner que l'auteur n'a pas toute sa raison à causes de divers détails évoqués. Il s'agit d'un simple copié collé, à peine remanié, d'un courrier électronique envoyé à quelques amis - je n'avais aucunement l'intention de le publier, initialement. On peut y voir une sorte de document. Vous pouvez ignorer en toute quiétude toutes les incitations à la discrétion contenues dans cet ouvrage. Mes amis m'ont suggéré de le publier, et à la réflexion je pense qu'il n'y a plus de gros problème, maintenant, pour que cette histoire circule. Si j'étais né trois mois et quelques plus tard j'y échappais, mais j'ai eu à faire mon service militaire. J'ai été affecté dans l'infanterie. Mon surnom c'était Commando. Je ne sais pas si c'était à cause de mon H+L de 120 au FAMAS, ce qui est déjà un bon score, ou bien à cause de mon double œdème au tendon de chaque gros orteil qui m'avait valu d'être dispensé de porter des rangers pendant un mois juste après mes classes (ce qu'on appelle, 'commando baskets'), si c'était pour ironiser un peu sur mon coté lymphatique, ou bien encore pour d'autres raisons... J'en envisage deux, les voici. Première explication possible, qui est modérément racontable car je n'aime guère évoquer cet épisode de ma vie (je vous préviens c'est long) j'avais, à la base, de très sérieuses inquiétudes pour mon service militaire, car je n'avais pas d'argent devant moi, et j'allais être payé 500 francs par mois. Trouver du travail avec une telle échéance qui approchait était totalement impossible ; j'ajoute aussi qu'à l'époque je n'avais plus trop les pieds sur terre. Enfin, bon, pour éviter la banqueroute, j'ai fait des démarches pour m'engager dans l'armée de l'air - au final, ça a pris du temps, et j'ai commencé mon service dans l'infanterie, puis j'ai rejoint les aviateurs quelques mois plus tard. Mais entre-temps, dans l'infanterie, j'avais fait une terrible sinusite (1 semaine d'hospitalisation dont la majeure partie sous perf de glucose complètement dans les vapes) ; et quand j'ai été transféré à l'école des sous officiers de Rochefort et qu'ils nous ont fait passé de nouveaux examens médicaux de routine pour voir si on était toujours apte - car plusieurs mois s'écoulent entre le passage du concours où on est examiné une première fois, et l'intégration de l'école - ils ont constaté que mon audition s'était sévèrement dégradée... En fait, j'avais les tympans rétractés. Mes capacité auditives étaient dégradées au point que je ne convenais plus pour la spécialité que j'avais choisie, qui touchait un peu à la télécommunication, et donc, cette bande de rigolos, ils ont encore les même critères que pour un opérateur radio du bon vieux temps à ce niveau. Je précise vite fait qu'en fait c'était mon deuxième souhait, mon premier souhait c'était 'informatique', mais il manquaient de personnel pour ce que j'avais indiqué en deuxième et avaient été trop heureux de trouver quelqu'un à orienter là dessus. Enfin, bon, cette voie était bouchée... Et mes supérieur à Rochefort m'ont tout simplement proposés de signer ce qu'on appelle 'un contrat en blanc', c'est à dire un contrat sans spécialité définie, en gros je me serais engagé et l'armée de l'air m'aurait orienté ou elle le souhaitait. Quand je suis sorti du bureau, la secrétaire - je suppose qu'elle avait du prétexter qu'elle souhaitait prendre une pause - m'a laissé m'éloigner un peu pour ne pas éveiller les soupçons, puis m'a couru après, et m'a dit : 'ne signe pas un contrat en blanc, moi je l'ai fait il m'ont affecté comme secrétaire, un contrat en blanc c'est le meilleur moyen de se retrouver à faire les boulots dont personne ne veut'... Le soir, j'ai téléphoné à L'Abbé, qui était celui parmi mes connaissance de l'époque qui connaissait le mieux la chose militaire, pour avoir fait son service dans l'arme du train (car, dans l'armée, il y a une arme spécialisé dans le transport par voie ferrée, et ce sont, bien sûr, des chombatas entraînés et tout et tout, ça ne plaisante pas, peut-être que je vous apprends quelque chose là mais en tout cas c'est le cas)... Et L'Abbé m'a dit : 'Ne signe pas un contrat en blanc, tu va te retrouver dans les pires boulots qu'il est possible de faire'. Donc j'ai renoncé à mon engagement de quatre ans dans l'Armée de l'Air. Le colonel m'a proposé de terminer mon service dans cette même arme, dans des bureaux sur Lyon. Mais je dois dire que, venant de l'infanterie, j'avais clairement du mal avec l'esprit 'air' - je m'étends pas là dessus, c'est pas très intéressant, juste pour résumer, il y a plus de respect, à généralement parler, dans l'infanterie que dans l'Armée de l'Air - et donc j'ai dit 'non, je préfère retourner finir mon service dans mon régiment d'infanterie' - ce qui fut fait... Mon capitaine, dans ma compagnie, en me voyant revenir, aurait déclaré à ce que j'ai entendu, qu'il souhaitait me croiser le moins possible, ce qui fait que j'ai été affecté comme jardinier, nous avions nos quartiers dans une autre caserne que celle qui abritait les bureaux de la compagnie... Le bon coté de toute cette histoire, c'est qu'à cause de ma demande d'engagement, j'avais obtenu un sursis de deux mois, j'avais commencé mon service militaire en décembre au lieu de octobre... Et donc, j'avais pu toucher deux mois de chômage de plus, j'avais économisé 8000 francs, et avec cette somme j'ai pu me débrouiller avec mes 500 francs par moi de solde de soldat de deuxième classe jusqu'à la fin de mon service, donc au final dans un sens j'avais atteint mon but premier qui était d'éviter de gros problème niveau thune. Je dois dire que l'Armée de l'Air ne m'a jamais versé les 3000 francs de salaire qu'ils me devaient pour les deux semaines que j'ai faites chez eux. Vous allez me dire, c'est quoi le rapport avec mon surnom de 'Commando' qu'on me donnait dans l'infanterie ? C'est très simple. Tout le monde savait que je souhaitait m'engager dans l'Armée de l'Air... Et donc, dans cette armée, la troupe, celle qui assure la sécurité des bases - c'est sa mission principale - mais aussi la récupération des pilotes éjectés et autres actions du genre, la troupe donc, un sous ensemble de l'infanterie de l'air (il y a aussi les paras transportés par hélico mais là c'est clairement pas la même chose), on les appelle les "Fusiliers Commandos de l'Air". Dans l'infanterie, pour se moquer de cette appellation de 'Commando', on les surnomme les 'gardiens de parking', car leur tache principale est de surveiller les bases aériennes. Donc, j'allais m'engager dans l'armée de l'air... Aussi, c'est peut être pour ça qu'on m'appelait Commando, je sais pas. D'ailleurs plus tard, un de mes pote appelé, dans l'infanterie, m'appelait, lui, L'Aviateur. Voilà pour la première explication. La deuxième... Ahem, la deuxième, c'est très, très, très, très, très spécial. Je n'insisterai jamais assez sur le fait qu'il faut **absolument** que vous conserviez le secret le plus absolu sur tout ce que je vais évoquer dans la suite de ce message... Je sais ça peut faire une anecdote intéressante à raconter lors d'un gueuleton ou un truc comme ça, mais, je suis, très, très sérieux, il faut absolument que vous n'ébruitiez pas cette affaire, c'est encore beaucoup trop tôt.. Il y est question de désobéissance à des ordres formels émanant des échelon les plus haut, désobéissance encouragée de manière très subtile, provoquée même, par les niveau intermédiaires de la hiérarchie, avec tout un système basé sur une certaine complaisance, tout le monde était complice, tout le monde se taisait... J'y ai pris une part active, puisque j'en ai été l'exécuteur, dans la pratique, je veux dire, "il faut bien que quelqu'un tienne le scalpel" (Tom Maddox - Des yeux de serpent - in Mozart en verres miroirs) - j'ajoute que je risquais, mine de rien, ni plus ni moins que ma peau - j'ajoute aussi, ne paniquez pas, le but de tout cela n'était que de garantir l'intégrité de la République, non, sans déconner, peut-être en fait d'éviter que les idéaux de celle-ci ne soient bafoués par quelques-un qui, sans ce que j'ai eu à faire, se serait en fait sentis en position de faire la loi, leur loi, de susciter la crainte dans leur périmètre et de pousser les gens à croire qu'ils était en fait les maîtres dans le coin, ce qui est mal, et je ne regrette absolument pas d'avoir été impliqué dans cette histoire... Notez que j'étais, au moment des faits, relativement inconscient, ce n'est qu'en y repensant, quelques temps plus tard, que j'ai vraiment pris conscience de toutes les implications du trucs... Moi je me disais simplement 'ce n'est pas si grave' et j'y allais gaiement. Je ne redoute rien pour moi-même... Après tout, ça fait presque 12 ans, il y a probablement prescription, et quand bien même ce ne serait pas le cas, je peux toujours faire valoir l'argument que ma santé mentale, à l'époque, était encore sérieusement vacillante suite à mon épisode psychotique dont l’acmé s'est située entre avril 99 et... Je sais pas... Septembre, octobre de cette même année... Je n'avais clairement pas une vision correcte de la réalité même en 2000, je dirais même, je n'avais pas totalement à nouveau conscience de ce qui est bien et de ce qui est mal... Enfin, je suppose que mes chefs m'avaient vu venir, comme je l'expliquerai plus tard, et bon, ils en ont bien profité. D'ailleurs, plus tard, quand tout ça a été terminé, j'ai fait mon passage de deux semaines dans l'armée de l'air, puis je suis revenu, on m'a affecté dans un autre service, et presque immédiatement mes nouveaux chefs ont détecté des trucs bizarres dans mon attitude au quotidien, et j'ai été orienté vers des spécialistes pour évaluation psy ; le médecin suspectait même une possibilité de désordre organique et m'a fait passer un scanner du cerveau. Je suppose que ses conclusions sont toujours dans un dossier, quelque part. En tout cas, si en fait je ne suis pas responsable, car je n'avais pas vraiment conscience de ce qui se passait... Il serait aussi très difficile de prouver la moindre responsabilité de qui que ce soit d'autre, car en fait tout a été fait avec un système de pressions très subtile pour me pousser à agir et à aller risquer ma peau - j'insiste, mais effectivement je prenais des risques pour moi-même - tout ça pour qu'on ne laisse pas certains penser que leurs manœuvres d'intimidations et leurs tentative de régner par la peur portaient leurs fruits. Je suis bien désolé, mais ce n'est pas facile pour moi d'entrer dans le vif du sujet... Et avant, il y a encore quelque chose qu'il faut que je précise... Je ne souhaite pas que l'image de l'armée en général, au delà de ça, l'image de l'état, soit ternie, même au niveau le plus humble, si cette histoire devait circuler, même un peu... On parle, je me répète, de désobéissance à des ordres formels, dans une situation délicate, orchestrée par toute une partie de la hiérarchie d'une unité militaire avec une unanimité rare, au mépris de tous les principes de l'organisation et de la vie militaire... Les français ont l'habitude de s'octroyer généreusement ce genre de marge de manœuvre à leur seule discrétion s'ils le jugent nécessaire... Ils sont moins moralement inflexibles que les germains ou les anglo-saxons (c'est juste deux exemples) et ont tendance à penser que les règlements, les principes, etc, sont plus des indications que des lois inflexibles. Après on en pense ce qu'on veut. Mais je ne souhaite totalement pas que la réalité de ces pratiques ne filtre, ne serait-ce que pour préserver l'image des institutions de la République, c'est une chose qui est nécessaire, c'est trop facile de se dire 'tout le monde est pourri' et ça favorise trop les prises de positions extrêmes, l'égoïsme asocial - je ne voudrais pas avoir à me dire que j'ai participé à mon niveau à un quelconque travail de sape des valeurs de notre démocratie... Un tel travail profiterait en fait à des gens peu fréquentable... Donc, je vous le demande à nouveau, n'ébruitez pas cette histoire... On se connaît depuis longtemps, je vous fait totalement confiance, si je vous demande ceci, je sais que vous le ferez... Considérez que je vous confie tout ceci pour votre édification personnelle, ça vous intéressera peut- être de savoir comment ça se passe parfois derrière le rideau... (j'ai remarqué, un peu partout où je suis allé, dès qu'il y a un sale boulot à faire, un truc plus ou moins limite, on pense à moi... Je sais pas pourquoi... Mais dans ce cas particulier j'ai quelques idées, j'y reviendrait). Vous allez me dire, je n'ai qu'à ne pas vous en parler, et il n'y aura pas le moindre problème... Mais ça fait 12 ans, hormis lors d'une crise ou j'avais un peu quitté la réalité, je sais plus si c'était en 2002 ou en 2006, je n'ai jamais parlé de tout cela à qui que ce soit, et même à l'époque je n'avais pas donné tout les détail et j'en avais parlé dans le cercle aussi privé que possible, en toute confiance, à des personnes à la moralité irréprochable qui n'auraient guère besoin des recommandations de discrétion que j'ai faites précédemment en insistant de manière si lourde - et j'ai bon espoir, de toute façon, que ces personnes aient tout simplement considéré que tout ceci n'était qu'un délire de plus de ma part et n'avait rien à voir avec une quelconque réalité. Ça fait 12 ans donc, et je souhaiterais qu'il reste au moins une trace de la vérité quelque part... Il faut que vous sachiez, tout ceci, en fait, n'est pas bien grave, pas bien grave, ce n'est, clairement, pas bien méchant... On ne peut presque rien prouver... En fait, à la réflexion, on ne peut rien prouver, en effet on peut penser que ce texte n'est qu'un ramassis de mensonges... Les témoins civils directs ont probablement tous depuis longtemps oublié cette histoire... J'ai été poussé à agir de manière subtile et il ne reste aucune trace... À moins qu'un autre soldat n'accepte de corroborer mon histoire, tout ceci ne restera probablement que comme un vague témoignage totalement invérifiable... Et je le répète, ce n'est pas si important ce qui s'est passé, dans le fond... Quand à moi, tout ce que j'ai fait, c'est de me promener à pied. En risquant plus ou moins ma peau, et en désobéissant à des ordres formels. Si j'évoque cette histoire aujourd'hui, c'est avant toute chose car ça fait peut être dix ans que j'ai pleinement pris conscience de cette affaire, mais même avant je ne m'en vantais pas, donc ça fera bientôt douze ans que je garde le secret... C'est un truisme en psychologie, les secrets sont destructeurs... Ils vous annihilent lentement mais sûrement. Aussi, je vous prie de m'en excuser, mais j'ai besoin de votre aide pour me débarrasser de celui ci et peut-être me sentir un peu mieux... J'ai eu la chance, dans ma vie, de ne pas avoir à porter tant de secrets que ça... Certains, je ne pourrais jamais m'en libérer... Autant le faire avec ceux pour lesquels c'est possible, une fois que cela devient envisageable... Comme je disais, cette histoire n'est pas si grave que cela ; en fait, c'est surtout basé sur des extrapolation que j'ai faite, toute cette histoire de pressions me poussant à agir n'est peut être que pure illusion de ma part. Tout ce que je sais, c'est que j'en porte la responsabilité, mais il n'y a pour ainsi dire aucun témoin et donc comment savoir si je dis la vérité, n'est-ce pas ? Aussi vous comprendrez que ça ne me pose pas le moindre problème d'évoquer tout ceci dans un email quitte à être lu par nos amis de chez Google et leurs potes de la NSA. C'est de la tambouille interne franco-française sans grande importance qui n'intéresserait probablement pas grand monde là-bas. Quand à mes éventuels lecteurs non destinataire de ce message de ce coté-ci de l'atlantique - je pense bien sûr à mes amis de la DST à qui je donne tant de boulot (smiley) je leur prie de garder à l'esprit que tout ceci date d'il y a 12 ans, que je n'étais qu'un appelé ; que, de toute manière, j'ai agit seul et de ma propre initiative et qu'enfin, ce n'est clairement pas le scandale du siècle. Quand même, je suis bien comptent d'avoir un chiffrage ssl pour ma connexion au webmail de Google... J'espère juste qu'il n'y a pas un petit malin dans le quartier avec un interféromètre pour faire une capture vidéo de mon écran au fur et à mesure que je rédige ceci, mais ça me semble peu probable... J'espère juste que ceux d'entre vous qui utilisent un client mail lourd ont leur liaison avec leur serveur de chiffrée, mais après tout ça fait des années que c'est le standard. Quand bien même ce ne serait pas le cas, ça ne m'ennuie, en fait, pas tant que ça... Car, pour paraphraser Gibson, j'ai besoin de vous en tant que capsule temporelle. Peut être, dans bien longtemps, que vous pourrez en discuter avec mes connaissances et leur faire découvrir ce bref et peu banal épisode de ma vie. Peut être que je pourrais le faire moi même, si je ressens à nouveau le besoin de vider mon sac à ce niveau. Aussi s'il y a un sniffer de paquet qui fait une copie de ma prose lors de son passage en clair dans un noeud du réseau compromis, ça fera, au mieux (au pire) une trace de plus. Je me doute bien que ce message a quelques chances de faire tilter quelques alarmes numériques dans quelques contrées qui se livrent à cet curieuse occupation consistant à capter les transmission satellite chiffrées et à les décoder à l'aide de grids casseuses de clefs - ça fait quelques années que la pratique se généralise, et je n'ai aucun moyen de savoir si ce mail va passer par le sat ou par un cable sous-marin lors de son acheminement - idiot tout de même que pour atteindre des destinataires si peu distant, un message ai besoin de traverser l'atlantique, allez et retour - en tous cas, pour les data-mineurs de l'exploitation semi automatisée du renseignement numérique, je suis bien désolé de vous faire perdre votre temps ; ce message est plein de mot-clefs et d'expressions à même de le faire remonter dans un système de scrutation, mais cette histoire est sans intérêt pour vous, clairement... Ça y est, je crois que j'ai évoqué tout ce qu'il était nécessaire d'évoquer pour contextualiser un peu mon histoire. Maintenant je vais pouvoir passer à ce qui en constitue le principal ; ça prendra beaucoup moins de temps à faire, et ensuite j'irai me boire une mousse. Il faut savoir que nous sommes des racailles. Je veux dire, vous, moi, pour tout une partie (une grosse, grosse partie) de la population, à cause de notre accent fleurant bon notre secteur, mélange détonant d'influences diverses que je vais pas citer, les plus prédominantes étant populaires, paysannes, et cosmopolites, à cause des signaux que l'on envoie par la communication non verbale, que ce soit la gestuelle ou la posture, voire même le style vestimentaire, à cause de notre vocabulaire, on est classé de manière semi inconsciente, au mieux dans la catégorie à mi-chemin entre le bon vieux type de souche prolétaire classique et la vraie racaille, au pire dans la catégorie 'assimilé racaille' sans espoir de réhabilitation, car ce genre de classification instantanée sur le mode semi-inconscient ne pardonne pas. Et on ne peut y échapper... Même en s'habillant à Londres et en travaillant son accent, même en prenant des années de cours de diction, en travaillant la gestuelle, en faisant tout ce que vous voudrez, il restera toujours des signaux puissants, quasiment comme si l'ADN s'exprimait dans les phéromones. J'ai presque tendance à considérer les sociotypes comme des formes de vies inorganiques, phénomène émergent de la vie organique sociale... Tout ça pour dire, je disais, dans l'infanterie, il m'ont vu venir... En particulier, les gens du genre "Vieille France" - un genre que j'ai en fait, réellement découvert dans l'armée, car il y en a là-bas, surtout parmi les cadres, avant je croyais que ça existait qu'à la télé - ils repèrent mon type a des kilomètres... Même, une fois, le soldat X. (j'étais peut être un peu amoureux d'elle, d'ailleurs - une engagée) m'a dit "t'es un peu une racaille, toi, non ?". Je ne l'ai pas remerciée sur le coup, j'aurais dû, car je n'en avais pas jusqu'alors conscience. Enfin bon comme on dit, on est tous le sauvage de quelqu'un... Mais pour résumer. J'étais du genre - c'est super grossièrement résumé, mais bon avec ce que j'ai écris précédemment vous comprendrez ce que je veux dire - racaille -j'étais même motivé pour m'engager -j'étais, niveau psychique, franchement borderline, ce qui se repérait assez bien pour toute personne un peu clairvoyante ; même si j'avais remis les pieds sur terre comparé à quelques mois avant cette époque, je restait tout de même quelqu'un d'assez spécial -je passe sur mes exploits durant mes classes, enfin bon, ils nous avaient tous testés tout en douceur, et mes supérieurs savaient que l'on pouvait me demander deux trois trucs en bref, je correspondait tout à fait, j'avais exactement le profil, j'étais le type idéal pour cette histoire - plus que le 'petit gars' typique, plus que le parfait petit soldat, j'avais des atouts encore plus en adéquation avec ce qui était nécessaire pour être celui qui allait se cogner ce boulot. Il faut dire, il y a avait eu l'épisode du soldat Y. Le soldat Y n'était pas un bon élément. Au départ affecté dans le sud de la France, il avait déserté pendant trois mois. Je ne me souviens plus s'il s'était rendu ou fait prendre, en tout cas il lui restait quelques temps à tirer - c'était, en fait, un appelé, j'oublie de le préciser. Il travaillait aux cuisines... Si vous voulez que je vous résume brièvement le gars, dans le civil il ne portait que des costards et de grands imperméables pour dissimuler ses épées, ses katanas et ses kriss - car c'était un fan de Highlander, la série télé, et il portait toujours au moins deux épées sur lui. Vous voyez le genre ? On ne pouvait, pour ainsi dire, rien en tirer. Il était réfractaire à toute discipline, et se refusait à travailler tout simplement parce que c'était l'armée qui lui demandait de le faire. Aux cuisines, le seul trucs qu'ils avaient trouvé, c'était de lui faire encadrer les soldats qui venaient faire leur tour de corvée au lavage de vaisselle. Un jour ça a été mon tour d'aller en corvée... Il y avait aussi le soldat Z qui était, en fait, de la région où se trouvait les quartiers de mon régiment, et un troisième, mais j'ai oublié qui. Immédiatement le soldat Y a été odieux avec nous... Très vite il a réussi à faire pleurer le soldat Z - je suis sérieux, et pourtant on avait déjà eu à subir des vexations diverses de la part de nos supérieurs et aussi, faire ses classes en décembre, c'est pas cool, surtout quand il faut dormir dehors, surtout dans cette région, mais le soldat Y était un tel sadique qu'il a fait fondre en larme Z en très peu de temps... Moi je ravalais ma colère... Mais au bout d'un moment ça a été trop, et suite à une vexation de plus spécifiquement dirigée contre moi, j'ai agit. Je me suis tout simplement souvenu de la tête que faisait un de mes potes de vers chez nous, un des plus dangereux, quand il était en colère... Je l'ai imité du mieux que j'ai pu, et je me suis approché, à me coller à quelques centimètres sous le nez de Y. Celui-ci s'est immédiatement rendu compte que sa fonction d'encadrant ne le protégeait plus - même si dans la pratique je n'aurais pas été disposé, en fait, à ce que les choses aillent plus loin que ça, et du coup il est devenu instantanément plus coulant... L'histoire a connu quelques échos ici ou la, est même remontée un peu le long de la voie hiérarchique... Je le sais suite à d'autres échos d'échos qui sont finalement revenus jusqu'à moi. Peut-être que c'est Z qui initialement en a parlé. En tous cas, plus tard, quand j'ai été promu jardinier, il nous ont envoyé Y... J'étais le seul à arriver à le convaincre de faire, parfois, un peu de boulot... Oh, pas beaucoup. C'est même devenu franchement un pote. Mais il faut que je termine, car j'ai fort envie d'une bière. Heureusement, il n'y a plus grand chose à dire, car les événements eux-mêmes se décrivent en peu de mot. Mes supérieurs avait donc une certaine idée de ce que j'étais à l'époque... Et si l'armée sait faire quelque chose, c'est tirer parti des capacité de son personnel, quelles que soient celles-ci. J'ajoute qu'ils savaient fort bien que je n'étais pas le plus discipliné des soldats... Que je ne m'en laissait pas raconter, enfin pas trop... Et que je n'avais pas franchement froid aux yeux. À ce niveau ça s'est bien dégradé depuis. Il faut savoir que le régiment était réparti sur deux sites, distants d'environ un quart d'heure ou vingt minutes de marche. Et entre les deux se trouvait un quartier un peu chaud, avec de très hautes tours - très, très hautes. On devait longer ce quartier si l'on allait d'une caserne à l'autre. Mais à pied, on pouvait le traverser, c'était un raccourci. Ma compagnie se trouvait dans l'une des casernes, que j'appellerai la caserne A. Nous logions dans cette même caserne. À midi et le soir, nous allions manger dans l'autre caserne, on va la nommer B. Nous prenions un camion de transport de troupe pour cela. Il faut savoir que début octobre - j'étais arrivé en décembre, du temps du service il y avait un contingent d'appelés tous les deux mois - quelques appelés du contingent 10 étaient partis boire un coup en ville, il logeaient sur B. En revenant ils ont traversé le quartier chaud. C'est une petite ville mais les voyous, là-bas, ne plaisantent pas - en fait à l'époque l'expression 'les cités ou la police ne va plus' était populaire ; et pour être franc je n'ai jamais, jamais vu la police dans cette cité. Et donc, en traversant le quartier, ils sont tombés sur ses habitants - pas les plus tendre. Je ne sais pas ce qui a déclenché l'affrontement, je ne l'ai jamais su. En tout cas les appelés ont morflés grave. Le plus atteint a fait, si je me souviens bien, presque deux mois d'hôpital. En tous cas il était à nouveau sur pied et de retour au régiment quand je suis arrivé en décembre. Il y a eu un procès, des peines ont été prononcées. Lors du procès, certains habitant du quartier qui y assistaient ont solennellement déclaré qu'ils feraient la peau du prochain militaire qui viendrait à s'aventurer dans le quartier. Le Colonel, qui nous commandait, en réaction, a fait placarder partout dans les casernes des ordres spéciaux : il nous était totalement et expressément interdit de nous aventurer dans ce quartier, que ce soit de jour, de nuit, en tenue de militaire ou habillé avec des vêtements civils, que l'on soit seul, que l'on soit en groupe. Quelques temps ont passé. Je logeais donc dans la caserne A, je prenais le camion pour aller manger dans la caserne B... Il y a eu l'épisode avec le soldat Y et le soldat Z aux cuisines... Puis un jour on m'a annoncé que je déménageais. J'irai désormais dormir dans une chambre sur B. Nous étions quelques-un dans ce cas. Bien entendu, je continuais à passer mes journées sur A où se trouvait ma compagnie... Le matin, il fallait être à l'heure pour le rassemblement sur la grand-place de la caserne... Vous devinez peut-être la suite. Chaque soir pour nous ramener, on me trouvait toujours une place dans un véhicule. Mais le matin, étrange, à chaque fois, il n'y avait de place pour moi nulle part. J'enfilais donc ma tenue de soldat, je passais devant les ordres du colonel placardés dans le couloir... Je sortais du régiment... Et je traversais le quartier chaud. Il faut dire, je disais, je n'étais pas un soldat très discipliné, et à tout prendre, entre emprunter ce raccourci et pouvoir dormir dix minutes de plus, et obéir aux ordres stricts du colonel qui n'étaient là en fait que dans le but d'éviter qu'il nous arrive malheur, je n'ai pas hésité une seule seconde, pas même le premier jour. J'ai désobéi. Et donc, j'ai mené ma petite campagne solo de travail psychologique auprès des population des quartiers. Tous les matins, en partant au boulot, ils me voyaient passer, seul, sans arme, en tenue, à pied, sans crainte - car en fait je n'avais même pas peur ; simplement, j'évitais sciemment de longer de trop près les murs des immeubles pour éviter de me ramasser un frigo ou un moellon balancé des étages, je restais bien dans les allées. Tout le monde, absolument tout le monde, était au courant... Je crois que même le sergent de garde depuis sont PC pouvait me voir m'engager dans le quartier, qui faisait immédiatement face à la caserne. Je peux affirmer de manière sûre que depuis le bâtiment abritant leurs logements de fonction, n'importe lequel des officiers aurait pu me voir m'aventurer là-bas simplement en regardant par la fenêtre. Je me faisais régulièrement doubler par des véhicules militaires lorsque je m'engageait dans le quartier, personne ne m'a jamais fait monter à bord. Il est arrivé, pour des raisons de service, que j'ai a traverser le quartier plusieurs fois dans la journée. Parfois, un engagé me prenait dans sa voiture perso pour m'épargner le trajet s'il désirait lui-même le faire aussi, mais le plus souvent j'allais à pied. Je ne sais pas combien de temps ça a duré... Je ne sais pas combien de temps je suis allé, jour après jour, mettre au défi les voyous de tenir la promesse faite de liquider le prochain militaire qui entrerait dans le quartier. En en sortant, parfois je me disais, pas de chute de moellon aujourd'hui. Une fois, j'ai fait le trajet, dans le sens A vers B, avec le soldat Z qui donc était de la région. Il a catégoriquement refusé que nous nous aventurions dans le quartier... Pourtant, c'était tellement tôt, peut être quatre heure du matin, en tous cas moins de cinq heures - nous avions un tour a prendre très tôt et nous étions en tenue - ça ne craignait absolument rien. À ma connaissance, absolument aucun autre militaire ne s'y aventurait. Plus tard, je suis parti deux semaines dans l'Armée de l'Air, je suis revenu, et on m'a affecté au jardinage, je travaillais et je logeais sur B, je n'avais plus besoin de traverser le quartier. Quand pour le boulot il fallait aller sur A, notre sergent nous emmenait avec une P4 (c'est un genre de Jeep). Un nouveau Colonel a remplacé le précédent. Dès sa prise de fonction il a annulé les ordres nous interdisant de nous aventurer dans le quartier. Je restais le seul à le faire. Ensuite, le soldat W est revenu du Kosovo pour être jardinier avec nous, il logeait donc dans notre chambre et nous sommes devenu bien potes. Parfois nous allions nous manger une pizza dans le centre, nous traversions le quartier... C'était un appelé tout comme moi, il s'était porté volontaire pour le service long (6 mois de plus) et pour le Kosovo. Quand il voulait aller retirer de l'argent à La Poste dans le quartier, il me demandait toujours de l'accompagner. À ma connaissance, nous étions les deux seuls à aller là-bas. Pourtant, des mois avaient passé depuis le procès et la promesse faite de faire un mauvais sort au prochain militaire qui passerait par là. Un jour, nous sortions de La Poste, un tous jeune môme est venu nous poser des questions sur la vie militaire et tout ça... J'ai commencé à lui dire "mais nous, on est obligé", histoire de bien lui faire comprendre ce qu'était un appelé et que nous en étions, mais W m'a immédiatement coupé la parole et a réorienté la conversation pour éviter d'évoquer ce point. Ce fut mon seul contact avec un habitant de ce quartier. Charvieu-Chavagneux, Novembre 2011